Auteurs : Stan Madoré et Myriam Chéreau.

Co-supervision et intimité dans un groupe

Première partie

L’objectif de cet article est de présenter notre expérience d’une nouvelle approche de la conduite de supervisions en groupe.

Les participants peuvent se faire superviser par un ou deux superviseurs, selon leur choix. C’est ici que se situe l’innovation. Le processus est partagé entre deux superviseurs qui supervisent de concert, ce que nous appelons la co-supervision.

Quelle que soit la formule retenue par le participant, la supervision se conclut par un dialogue entre les superviseurs, devant le groupe ce qui, là encore, constitue une singularité de cette pratique.

Notre démarche s’appuie sur l’AT co-créative développée par Tudor et Summers, eux-mêmes inspirés par l’AT constructionniste, courant d’AT porté par Jim et Barbara Allen. Elle repose également sur les expériences d’Eric Berne lors des séminaires qu’il conduisait à San Francisco et Carmel au cours desquels il partageait ses questionnements et points de vue avec ses collègues et patients. (AAT, n°14). Nos groupes de supervision sont formés de professionnels expérimentés dans l’accompagnement qu’ils exercent dans différents métiers (coachs d’entreprise, conseillers en orientation scolaire, manager-coachs, formateurs-chercheurs, psychologues du travail…) et tous ont une connaissance théorique avancée de l’AT.

Nous décrivons dans cet article les principes directeurs de cette expérience et donnons des exemples d’intervention qui en présentent l’intérêt. De plus, après quatre années d’expérimentation, il nous apparaît que l’intimité entre les superviseurs, indispensable à une co-supervision et au dialogue, peut devenir un modèle pour un apprentissage de ce que peut être l’intimité dans un groupe.

La co-supervision, espace de connexion à soi et à l’autre ici et maintenant

La co-supervision est un modèle d’apprentissage de la tolérance qui peut être utile à chacun dans ses propres accompagnements car chaque superviseur doit accepter que son collègue honore le contrat en passant possiblement par un chemin différent du sien. Il n’y a pas une vérité pour aider un client à la résolution de son problème. Prendre conscience que l’autre ne suit pas le même itinéraire pour aller au même endroit nécessite une confiance fondée sur une relation d’intimité. C’est croire qu’à la fin, chacun, superviseurs et client, se retrouveront au bon endroit. Nous sommes convaincus que les découvertes faites sur le chemin parcouru sont plus riches et nombreuses qu’en restant sur une voie unique. De fait, la co-supervision est un processus d’accompagnement créatif, basé sur la curiosité, rendue possible par l’intimité. Cette expérience à trois devient un apprentissage, pour l’ensemble du groupe, d’une relation dans l’intimité.

La mise en place de contrats

La réussite de cette expérience repose sur un contrat solide de collaboration entre les différentes parties concernées dans le groupe de supervision. Pour l’élaborer, nous nous appuyons sur les écrits de Berne (Principes de traitement psychothérapeutique en groupe), de Fanita English (Le contrat triangulaire AAT n°8) et le multicontrat conçu par Véronique Sichem (AAT n°60).

Le schéma ci-dessous représente les 4 contrats développés plus bas entre :

  1. Les deux superviseurs
  2. Les superviseurs et la personne supervisée
  3. Les superviseurs et le groupe
  4. La personne supervisée et le groupe

La co-supervision fait l’objet d’un contrat spécifique entre pairs. Notre relation OK/OK signifie que chacun a de la valeur dans ce qu’il dit ; chacun s’engage à mettre en valeur ce qu’il fait ou a fait et comment il s’y est pris. Les questions comme les réponses sont faites à partir de l’Adulte. En ce qui concerne le dialogue, tout ce qui est dit reste au niveau du processus et non du contenu. Le but fixé est d’apporter au groupe un éclairage didactique sur l’exercice de la supervision. 

  1. Le contrat entre les superviseurs et la personne supervisée :

Les superviseurs sont au service du supervisé, ils répondent à sa demande. Ensuite, ils s’engagent à mettre en valeur le ou les processus à l’œuvre dans la supervision en racontant la façon dont ils ont vécu la supervision et ce qu’ils ont mis en place pour aider le supervisé à résoudre la problématique apportée. Ils restent sur le processus et ne reviennent pas sur le contenu.

  1. Le contrat entre les superviseurs et le groupe

Ce contrat suppose l’engagement du groupe : durant la supervision puis le dialogue, les membres écoutent, notent ce qui se dit dans l’échange.
Les superviseurs exercent leur pratique, ensemble ou séparément, puis partagent en conscience leurs pensées, émotions à chaud. Ils montrent comment ils pensent avec l’analyse transactionnelle, et rendent explicite leur cheminement dans la supervision.
L’objectif reste la professionnalisation de chaque membre : il est de la responsabilité des membres du groupe de prendre conscience de ce qu’ils apprennent par la co-supervision et le dialogue, de le verbaliser, de le questionner si besoin.

  1. Le contrat entre le groupe et la personne supervisée

Au terme du processus les membres observateurs peuvent poser des questions sur la pratique des superviseurs. Ils restent sur le processus mis en place. Ils peuvent poser des questions directement au supervisé quand il s’agit de comprendre une réaction dans un processus sans revenir sur le contenu. Les superviseurs peuvent être amenés à demander une clarification sur l’intention d’une question.  Ceci permet de distinguer ce qui est de l’ordre du contenu et du processus.

Le contrat préserve autant que possible une entrée dans les jeux psychologiques. Nous avons conscience que la présence de deux superviseurs favorise un risque de jeux de pouvoir ou jeux psychologiques au détriment d’une coopération et de l’intimité. Compétition entre nos champs, nos titres d’analyste transactionnel, nos réalisations professionnelles, etc. Nous sommes particulièrement vigilant sur ce point et nous en discutons régulièrement.