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Auteurs : Stan Madoré et Myriam Chéreau.

Co-supervision et intimité dans un groupe

Deuxième partie

Le cadre protecteur de la supervision et du dialogue

Le cadre structure et donne de la cohérence, (V. Sichem AAT 134[1]) il permet de décrire le diagramme des lieux et place, le contexte, le temps dans lequel se déroule la supervision puis le dialogue entre les superviseurs. Les groupes de supervision se tiennent dans une salle où les chaises sont disposées en arc de cercle, sans table, les deux superviseurs étant côte à côte, séparés du groupe par un espace vide de chaque côté. Dans un temps de supervision, superviseur(s) et supervisé se rapprochent.

Le cadre clarifie ce que chaque superviseur doit faire, peut faire ou ne pas faire et comment mettre en œuvre. Si un participant préfère être supervisé par un seul superviseur, l’autre n’intervient pas. Il observe et écoute, même s’il lui vient d’autres idées sur la conduite de la supervision et sur ce qu’il peut considérer comme d’éventuelles difficultés du supervisé. Il est contenu par le cadre et contribue au climat de sécurité à l’intérieur de cet espace de paroles comme à l’extérieur. Son acceptation de ce que fait son collègue est une ouverture à la tolérance et à une pratique non dogmatique de la supervision. Ce sont autant de protections et de permissions pour le groupe.

Nous pouvons synthétiser notre pratique par le triangle des 3P[2].

La Protection repose sur les contrats vus plus haut, les règles de fonctionnement et la confiance accordée aux qualifications des superviseurs.

Le dialogue entre superviseurs, après chaque supervision, est la partie la plus sensible de notre pratique. Il nous arrive de dire qu’on ne sait pas, que l’on n’a pas un aspect du processus, de montrer notre vulnérabilité. Les propos du dialogue sont autant de Permissions que nous nous donnons et que les membres peuvent s’accorder.

Le dialogue, processus propre à notre modèle de supervision, tend à développer la Puissance de chacun. Le triangle des 3 P co-crée renforce l’Adulte intégrant des participants « ici et maintenant ».

 

 Le dialogue entre les superviseurs renforce le processus de l’intimité

Il prend place dans l’Okness où chacun s’exprime sans crainte de jugement, de remise en question des choix stratégiques. Il n’y a ni compétition ni dévalorisation mais du respect, de l’authenticité ici et maintenant. Il consiste à poser questions, proposer des réponses dans l’ouverture et l’accueil inconditionnel de ce qui a été fait : pour ce faire, nous utilisons certaines opérations berniennes comme l’interrogation, la spécification ou l’illustration. Le dialogue ne traite que des processus de la supervision, jamais du contenu ni de la personne supervisée. Il active les fonctions positives des Etats du Moi de chaque superviseur.

Dans cette structuration d’intimité, il n’y a ni fusion, ni symbiose. Chacun ose se montrer différent et complémentaire. L’intimité permet le dialogue entre deux superviseurs qui devient une caisse de résonnance pour le groupe.

 

 Le leadership partagé, clé de l’intimité

Notre pratique signifie un leadership à deux têtes. Traditionnellement, il sera recommandé par « tout bon intervenant en organisation » de définir clairement les rôles de chacun : qui fait quoi, à quel moment, avec qui… Le schéma de structure ci-contre représente un groupe avec un leadership bicéphale. Ce diagramme illustre ce qui se rencontre la plupart du temps dans les organisations à deux leaders. Une frontière interne, mineure signifie que chaque leader, représenté ici par ses 3 états du moi, a des fonctions distinctes et bien définies.

Nous avons choisi de penser notre leadership autrement, de façon à apporter de la sécurité dans le groupe et une valeur ajoutée par rapport à un groupe animé par un seul superviseur.

 

Nous sommes 2 superviseurs, un homme, une femme, dans 2 champs différents, respectivement Organisation et Éducation. Ce groupe pourrait rappeler celui de la famille, tel que le représente Berne[3] avec les superviseurs dans le rôle du père et de la mère. Cette configuration facilite, voire provoque, des transferts tels que Berne les décrit[4] : « Par cure transférentielle on entend en termes structuraux la substitution du thérapeute au parent originel ; en termes transactionnels cela signifie que le thérapeute offre au patient la possibilité de reprendre avec lui le jeu qui a été interrompu lors de son enfance ou le départ prématuré du parent originel ». Nous savons qu’en tant que leader, nous nous exposons aux transferts des participants. Aussi, nous sommes attentifs à nos contre-transferts, que nous utilisons de manière positive[5], quand nous en avons conscience, pour repérer et désamorcer les potentiels jeux psychologiques. Le dialogue est également un temps où nous dévoilons l’utilisation de nos contre transfert. Cela permet au supervisé de prendre conscience, au moins en partie, de ses transferts projetés pendant la supervision.

 

Nous proposons une autre forme de leadership représenté. Il n’est plus bicéphale au sens traditionnel, alors même qu’il est piloté par 
deux superviseurs. La raison est la suivante : notre contrat ne prévoit pas de distinction de fonctions entre les superviseurs. Plutôt que de répartir les rôles, il les assemble. Les deux ont la même mission : superviser les participants du groupe, se comprendre et se soutenir. L’absence de frontières dans la zone de leadership n’est pas synonyme de symbiose. Ce sont bien deux personnes différentes avec des styles différents, des champs différents qui amènent des points de vue différents. C’est cette différence qui offrira des Permissions pour penser par soi-même, dans l’intimité du groupe. Il n’y a pas de pensée unique, pas plus que de pratique unique dans l’utilisation de l’AT. L’étendue de la théorie permet son approche sous des angles différents. Montrer cette possibilité à un groupe en supervision est une démarche didactique. Elle démystifie le dogme du supposé-sachant et ramène les superviseurs à plus d’humanité et de proximité avec les supervisés. Elle offre une modélisation du processus aux coachs avec leur propre client.

 

[1] Véronique Sichem – Les 3C, boussole de l’inattendue : contact, cadre, contrat- AAT134

[2] Nous renvoyons le lecteur à l’article de Pat Crosman, Protection et Permission, dans l’AAT… et aussi à l’ouvrage de Berne « Que dites-vous après avoir dit bonjour ?, page 312 qui ajoute la Puissance

[3] Structure et dynamique des organisations et des groupes – Editions AT

[4] Eric Berne – Analyse transactionnelle et psychothérapie – Ed Payot p 210

[5] Michele Novellino – Contre-transfert et alliance thérapeutique – AAT 31