Voici une série d’articles écrits par Daniel Chernet sur le schéma d’identités, apport de Carlo Moïso. Ces articles n’étant plus accessibles sur son blog, c’est avec l’accord de Daniel que je les publie ici. Bonne lecture.

 

Chapitre 8 – Une vision particulière des jeux psychologiques

la théorie des jeux au travers du diagramme d’identité

 

Pour Carlo Moïso, dans les séquences de jeux psychologiques, c’est le crapaud qui vit la confirmation scénarique. En clair, lorsque le jeu psychologique aboutit à une confirmation scénarique (après le coup de théatre et le moment de stupeur les croyances anciennes limitantes sont confirmées), celle-ci concerne les décisions existentielles du crapaud (identité adaptative profonde). Il existe plusieurs degrés de confirmation scénarique :

premier degré avec une possibilité pour le masque de reprendre le dessus, car le dommage est suffisamment faible pour que l’énergie y reste investit en partie ; ce qui dans la vision bernienne correspond à des jeux qui ont été joués en société avec des retentissements légers,
deuxième degré avec une impossibilité pour le masque de garder le contrôle de l’expression, un fort investissement du crapaud et des dommages psychologiques importants, l’expression du processus « rejeter » ou « être rejeté » est directement apparent dans la situation relationnelle.
troisième degré avec une expression de l’issue dramatique identitaire décidée par le crapaud (fuir par la maladie, le suicide ou faire fuir par le meurtre, la violence).

Si le résultat porte toujours sur un renforcement du crapaud, l’origine du jeu est pour CM clairement dans l’espoir de permettre une sortie de la souffrance.

– « The aim in the game is mainly in the pain » écrivait Bill Holloway (le but du jeu est principalement dans la douleur).

– « The scope of the game is mainly in the hope » CM (la visée du jeu est principalement dans l’espoir).

 

CM distingue ainsi deux types de jeux psychologiques selon leur origine :

Les jeux primaires qui partent du besoin de l’enfant naturel ou blessé, avec l’intention de clore la gestalt (blessure dans la satisfaction des besoins de l’enfant par son environnement) d’une manière positive, mais qui vont confirmer l’identité adaptative profonde (crapaud) lors de la rencontre de l’injonction. Le besoin de la personne A est ainsi réel, et bien que maladroitement formulé (pour pouvoir l’exposer malgré l’injonction), il est adéquat, mais la personne B à laquelle il est adressé ne peut y répondre et va dans le processus relationnel renforcer la croyance que la personne A ne peut pas obtenir ce dont elle a le plus besoin.
Les jeux secondaires qui partent de la tentative d’obtenir des caresses pour le masque, mais qui  finissent également par confirmer l’identité adaptative profonde (crapaud).

Un exemple de jeu psychologique (extrait de coacher avec l’analyse transactionnelle éditions Eyrolles)

Le contexte : Serge a réalisé une formation dans une entreprise agro-alimentaire selon un modèle innovant, la formation repose sur l’analyse des situations de travail avec l’équipe réelle chargée de la production de plats cuisinés. Pendant une année, toutes les 3 semaines le vendredi après-midi, l’atelier est arrêté et l’équipe se réunit avec le formateur pour analyser les évènements passés, chercher comment améliorer la situation, comprendre ce qui se passe. Le formateur réalise selon les cas des  apports en français, mathématiques, sciences de l’ingénieur, hygiène, sans que cela ne soit préparé, mais en réponse aux évènements et demandes des professionnels. Serge est fier de cette mission, la réussite est notable, tant sur la qualité des productions, que sur le plan de l’autonomie des personnes, puisque plusieurs des jeunes ouvriers vont suivre une formation pour obtenir un CAP. Il est contacté par un formateur d’une autre structure qui demande à le rencontrer pour parler de son expérience, car il va lui-même mener une expérimentation selon la même méthodologie dans une autre entreprise (appelons le Roger). Serge et Roger se retrouvent donc au restaurant pour discuter.

Après les présentations, et un temps d’échange sur la méthode, la pluie et le beau-temps, Roger demande. « Dis-moi, tu utilises les méthodes de résolution de problème dans tes formations ? »

Serge enseigne les méthodes de résolution de problème à des étudiants en licence professionnelle dans le cadre d’une école appartenant au ministère de l’agriculture. Il est très fier de cette formation, qu’il a entièrement bâtie au début de sa carrière et qu’il a mainte fois modifiée pour la rendre toujours plus pratique et applicable. Les étudiants sont très satisfaits de cette formation. Le point faible de Serge est la conviction de l’importance de ces méthodes et de la valeur de ce qu’il enseigne. Il en oublie de vérifier avec Roger ce qu’il connait de ces méthodes.

Serge explique alors comment il a utilisé les méthodes de résolution de problèmes à chaque fois que cela était nécessaire, presque à chaque séance, puis il décrit les méthodes qu’il a enseigné aux membres de l’équipe. Roger l’écoute avec attention et ponctue de légers hochements de tête.

Après quelques minutes d’écoute Roger dit à Serge : « C’est intéressant ce que tu dis, mais c’est drôle, j’ai lu tous les comptes-rendus que tu as fait de l’action et je n’ai vraiment pas trouvé de méthodologie de résolution de problème, d’ailleurs je t’informe que j’enseigne ces méthodes à la faculté de T. ».

Serge reste coi, il ne sait pas quoi répondre. Un temps de silence se passe, jusqu’à ce que Roger reprenne la parole, pour commander un café. Le reste de la conversation est glacé et fait de banalités sur le repas.

Serge a tout d’abord le sentiment de s’être fait avoir, d’être face à une personne méchante (on voit bien ici comment l’Enfant a été perturbé et prend le pas sur l’Adulte) ; puis il a le sentiment d’être incapable, d’être nul, de ne jamais être assez rigoureux. Cette situation réactive une vieille blessure, lorsque jeune formateur, il a été fortement critiqué par un directeur d’entreprise.

Au travers de ce jeu on voit bien que c’est le masque qui comporte le point faible des deux joueurs, chacun cherchant à obtenir des caresses (strokes) pour une caractéristique adaptative : être gentil, sympathique, être efficace pour Serge  / être compétent, savoir pour le second protagoniste (Roger). En revanche la confirmation scénarique pour Serge lui montre bien qu’il ne peut pas être en lien (le rejet est évident dans la séquence).