Voici une série d’articles écrits par Daniel Chernet sur le schéma d’identités, apport de Carlo Moïso. Ces articles n’étant plus accessibles sur son blog, c’est avec l’accord de Daniel que je les publie ici. Bonne lecture.

 

 

Chapitre 7 – Le héros

 

La plupart des enfants ont des héros, quelquefois ce sont des héros du quotidien.

Isabelle a une grand mère qui garde des enfants, elle le fait avec tendresse et attention, fermeté et rigueur. Isabelle l’observe et l’admire, elle décide vers l’âge de 5 ans de faire comme sa grand mère, c’est à dire plus tard de s’occuper d’enfants, ce qu’elle fera en devenant éducatrice.

D’autres fois ce sont des personnes plus indifférenciées qui exercent une activité passionnante (pompier, conducteur d’engins, pilotes d’avion, pilotes de F1). D’autres fois ce sont des héros imaginaires issus de la narration et de la construction d’un imaginaire propre à l’enfant. D’autres fois c’est un héros issu des contes ou des films, histoires racontées. Dans tous les cas, la création d’un héros (oui, c’est bien l’enfant qui choisit), est le processus créatif de l’enfant pour identifier / nommer  / créer son Soi idéal. Autrement dit pour représenter quelques uns des traits saillants de ce qu’il voudrait pouvoir être. Le héros peut être au service des différentes identités, dans tous les cas, le travail avec le héros pourra permettre un pont de l’identité scénarique à l’identité autonome ou préférée.

Lorsque la création du héros est portée par l’Enfant naturel (libre), il sera au service de l’adulte autonome. L’existence du héros permettra de formuler un désir de croissance, d’investissement dans le monde et contribuera à donner du sens à l’action de l’Adulte autonome. (Comme dans l’exemple d’Isabelle ci-dessus).

Lorsque la création du héros est portée par l’enfant souffrant (blessé), le rôle du héros est de permettre la gestion de la souffrance, par exemple en permettant d’imaginer un futur ou l’on pourra sauver d’autres enfants du type de violence que l’on subit. Philippe a 60 ans, il est expert comptable, son héros d’enfant, lorsqu’il attendait à la grille du pensionnat (pour vous faire une image émotionnelle imaginez la scène des départs dans le film « les choristes ») est créé sous la forme d’un juge. Mais le héros peut aussi être un confident et cette création permet d’exprimer une part de sa souffrance et donc de lutter contre elle.

Lorsque le héros est issu du crapaud, il aura pour objectif de sortir la personne du drame. Certains ont ainsi choisi des héros « négatifs » : vengeurs masqués, tueurs, « maître du monde » mais qui ont une utilité importante pour fantasmer la vengeance. Lorsque le héros repose sur une création du masque, il aura pour objet d’être encore plus visible et magnifique. Cette distinction portée par CM n’est pas toujours facile à utiliser dans la pratique. Comment savoir si le choix de Zorro comme héros par un enfant fait partie du travail d’élaboration de l’enfant adapté, libre ou de l’enfant blessé. Dans la pratique thérapeutique, il est possible de demander au client s’il imagine son héros comme positif pour l’atteinte de ses objectifs actuels. Dans la pratique du coaching, on cherchera à identifier les aspects positifs du héros en lien avec la situation problématique.

Il s’agit dans le héros de l’idéalisation de certains aspects du Soi. On choisit le héros en lien avec qui on est, ce qui veut dire que l’on a naturellement des caractéristiques qui nous permettent de mettre en oeuvre dans la vie réelle certaines des qualités du héros. L’enfant qui choisit Zorro comme héros a certainement la possibilité de gentillesse, d’attention aux autres et un léger penchant à préférer la gent féminine. Bien sûr il ne pourra pas devenir Zorro, mais il pourra sincèrement aider les personnes en souffrance, avec un risque de vouloir sauver des personnes (par exemple des jeunes femmes en danger) qui ne souhaitent pas être sauvées. Cet enfant devenu grand pourra tomber amoureux de toutes les jeunes filles en souffrance et s’user rejet après rejet (héros en lien avec le crapaud), ou devenir avocat, juge, thérapeute (héros en lien avec le masque ou la partie autonome) ou encore s’investir dans l’aide aux enfants haïtiens en pleine conscience de ses choix (partie autonome).

Pour de nombreux auteurs, trouver son héros, le développer est un facteur important de développement personnel. Pour Berne le scénario gagnant est celui qui permet de développer le héros qui est en nous. Le héros constitue un réservoir d’énergie pour motiver l’Enfant naturel vers le chemin de l’adulte autonome. C’est un guide pour la croissance. Le héros nous permet de nous raconter une autre histoire de nous-même, une histoire qui nous amène vers ce que nous souhaitons être. Le héros commence à naitre après la phase d’individuation et de séparation, quand des exemples se proposent à l’enfant. « Le travail sur le héros consiste à retirer l’énergie du héros consolateur pour l’investir dans le développement de l’adulte autonome » CM. Dans de nombreux cas le travail sur le héros permet d’accéder à des valeurs, désirs, engagements essentiels pour le client. Le héros porte de nombreuses ressources utiles au développement de la personne et à la recherche d’options en situation difficile. Il est possible de travailler avec le héros dans le cadre professionnel du coaching, en orientant les questions sur les ressources efficaces pour le problème considéré.

 

Reprendre contact avec le héros

Il s’agit dans un premier temps d’identifier un film, un conte, une bande dessinée qui était très importante pour notre client, puis de lui demander de quel personnage il se sentait le plus proche. A cette étape il est quelquefois nécessaire pour le coach de donner des explications rationnelles sur le travail qui est mené pour éviter les jugements internes que le client pourrait être amené à développer. Ce travail permet de mobiliser une source d’énergie et de résolution de problème importante pour nous. Il est également nécessaire de  ne pas avoir d’a priori, ainsi dans la bande dessinée Tintin, certains enfants se sont sentis bien plus proches du Capitaine Haddock ou de Milou que de Tintin. Chacun de ses héros à ses propre manières de résoudre les difficultés et peut largement en faire profiter la personne adulte que nous avons en face de nous.

La suite du travail porte sur l’identification des caractéristiques principales du héros : ce qu’il aime faire, la manière dont il entre en contact avec les autres, ses valeurs, ses défis, la manière dont il gère les conflits, les tensions ou dont il pourrait le faire le cas échéant. Bien évidemment, les questions sont en lien avec la problématique posée par le client et le contrat de coaching. Le coach est pleinement présent aux questions, il ne doit alors montrer aucune ironie, même si le héros ne lui semble pas très intéressant ou trop éloigné de la réalité. Le moment venu le client fera le lien entre les compétences du héros et sa propre difficulté. Il s’agit ensuite de chercher avec le client en quoi les caractéristiques du héros, ses comportements, ses valeurs sont utiles pour l’accomplissement de sa vision du monde. Il est possible que nous ayons plusieurs héros, dans la plupart des cas leurs caractéristiques sont proches (Zorro + Ivanohé + Robin des bois…) mais chacun pourra nous donner un guide pour des actions différentes. Je suis souvent étonné par la joie qui émerge après un travail de ce type et par la manière dont le client fait le lien entre son héros et certaines orientations qu’il a donné à sa vie.

Isabelle a des difficultés à se sentir bien dans les groupes et son travail l’amène à participer à de nombreux groupes de projets. Elle a une croyance qu’elle doit être amie avec tout le monde pour être en lien et travailler avec les autres. Elle a pour héros Tintin, Milou et le capitaine Haddock (riche panel), ce qui lui donne des ressources pour poser des questions (Tintin le reporter), identifier les personnes qui lui conviennent ou non (Milou et son flair) et pour tenir les importuns à distance (Haddock et ses gros mots) ; avec ces ressources, elle prend conscience qu’elle n’a pas besoin d’être en lien intime avec chacun mais qu’elle a le droit de choisir le niveau de relation  qui lui convient avec les membres des groupes projets. Charles a une estime de soi basse, de nombreux doutes sur ses engagements, sur sa fiabilité. Il identifie son héros au sein du Club des Cinq et associe certaines des qualités de ce héros avec sa propre compétence à chercher des solutions créatives et remettre en cause les certitudes des personnes avec qui il travaille.