Voici une série d’articles écrits par Daniel Chernet sur le schéma d’identités, apport de Carlo Moïso.

Ces articles n’étant plus accessibles sur son blog, c’est avec l’accord de Daniel que je les publie ici.

Bonne lecture.

Chapitre 6 – L’identité

 

Pour Carlo Moïso « L’identité est l’ensemble des idées, affects et comportements dans lesquels nous nous reconnaissons. » (CM).  Le fait que nous ayons une impulsion à nous définir, à chercher à découvrir et à partager notre identité nous amène à vivre des besoins spécifiques. Le premier de ces besoins est le principe de maintien de l’identité. Lorsque nous arrivons à nous définir, nous allons chercher à éviter les changements qui pourraient nous amener à revoir notre identité y compris si notre identité habituelle nous amène de la souffrance, rappelons nous le texte de Nerval : « je suis le ténébreux, le veuf, l’inconsolé ». Dans ce très court extrait Nerval se définit et donne une image particulière de lui, il est facile d’imaginer la souffrance qui se cache derrière ces quelques mots. A-t-il le désir d’aller bien ? Cette question n’a pas nécessairement de sens pour la personne qui vit une identité douloureuse.

Chacune des parties de notre identité à des besoins à satisfaire qui peuvent être quelquefois en opposition, ce qui nous amène à vivre dans l’ambivalence :

Ex peur et désir dans le cas de la création d’un projet, la peur étant dans le masque et le désir dans la partie autonomie,

 Ex besoin affirmé de structure pour le masque / besoin de créativité pour l’Enfant Libre.

Chacune de ces impasses nous fait vivre intérieurement une difficulté face à l’action que nous devons mener ou face aux propositions qui nous sont faites.

Chacune des parties de notre identité a des besoins de confirmation :

 Besoin du masque (en lien avec le type de masque) : relation sociale, reconnaissance de divers aspects du masque telles que gentillesse, professionnalisme…

 Besoin du crapaud : rejeter, être rejeté, abandonner, être abandonné.

Ces besoins vont s’exprimer de diverses manières, par des demandes indirectes, des jeux psychologiques. Les jeux psychologiques du masque porteront sur l’identité sociale, notre manière de nous voir, nos attributions. Ils seront le plus souvent facile à vivre (premier degré des jeux) ou plus impactants (second degré des jeux), mais dans la plupart des cas, ils ne mèneront pas vers une issue dramatique, ce n’est pas pour autant qu’ils seront anodins. Les jeux du crapaud seront eux limité à une double possibilité de coup de théâtre : rejeter ou être rejeté.

Mais ce qui peut être très douloureux c’est lorsque les autres (notre entourage) nous définissent, que cette définition colle à notre vision interne ou qu’elle soit en décalage. A chaque fois que quelqu’un nous dit « tu es speed », « tu es lent »… il définit notre identité à travers ce qu’il perçoit de notre tempérament, de l’expression du masque dans une ou des circonstances données. Il vient donc caricaturer notre identité, nous coller une identité externe. Ceci vient troubler notre propre définition de   nous même et génère de la souffrance.

Identité autonome

Carlo Moïso nomme identité autonome ou « Vrai soi » l’identité issue des réponses aux questions existentielles à partir de l’Enfant Libre et de l’Adulte. Nous avons consacré un post à l’autonomie, nous ne reviendrons ici que sur quelques aspects de l’identité autonome. CM reprend pour parler de l’autonomie les trois caractéristiques qu’Eric Berne a mis en évidence :

La Conscience qui met en relation l’Adulte avec les sens, les perceptions pour nous permettre de nous positionner face à ce qui nous arrive, nous permettre d’être en lien avec notre environnement. Pour être en conscience en relation avec moi même, je vais être amené à ressentir mes stress, mes émotions, à comprendre mes comportements et mes pensées. Pour être en conscience dans la relation avec autrui, il sera nécessaire que je sache observer les ressentis de la personne avec qui je suis en relation, il est indispensable que je l’observe, que je me décentre de mes propres affects, de mes idées pour identifier les gestes, le souffle, les non-dits de mon interlocuteur. Toutes ces informations sont utiles à l’Adulte pour avoir une vision élargie de la situation et donc de la spontanéité dans les réponses.

La Spontanéité qui permet l’expression de l’Enfant Libre au travers de ses besoins de ses ressentis, de ses désirs et l’Adulte qui pourra ainsi choisir les attitudes les plus adaptées à son éthique, à l’interlocuteur et à la qualité de relation attendue.

L’Intimité qui associe Enfant Libre et Adulte dans l’expression la plus libre possible dans la relation, dans l’ici et maintenant, sans arrière pensée, ni agenda secret.

A ces trois caractéristiques de l’autonomie, CM ajoute l’éthique (la morale choisie, Adulte), qui va guider notre chemin vers la réalisation de ce qui a du sens pour nous, vers un respect de nos valeurs les plus essentielles. Je rajoute à cette courte liste la Créativité qui met en oeuvre l’Enfant Libre créatif, dans la création de notre propre univers, que ce soit dans nos actes ou nos oeuvres.

Bien sûr, chaque personne au monde dispose d’une part d’identité autonome, même si elle n’est pas toujours apparente dans la relation.

Quelques caractéristiques de notre identité autonome, bien sûr, il n’est pas question de faire un diagnostic de notre autonomie à partir de la liste des caractéristiques, mais plutôt de voir cette liste comme un désir de vie. Ne pas être dans nos identités adaptatives ou scénariques c’est avoir accès à la découverte du monde tel qu’il est avec une capacité à admirer et s’étonner sincèrement de la beauté du monde dans son imperfection.

 

Petite liste pour penser :

 Optimisme, détaché de nos peurs scénariques, l’élan de vie (physis pour Berne) peut reprendre sa place et nous amener à regarder nos situations d’un oeil différent. Les études récentes en psychologie montrent combien l’optimisme est un facteur central de santé (Lire ou voir Seligman).

 Connaissance de sa place dans le monde, ni dans la toute puissance, ni dans l’impuissance, avec une capacité à vivre une part de nos capacités et désir en fonction de notre environnement.

  Connaissance de ses qualités. Conscience de ses limites, acceptation et gestion constructive. Cette conscience  génère estime et confiance en soi.

  Jouissance de son corps et de ses habiletés. Etre dans la vie c’est pouvoir réunir corps et esprit et profiter pleinement de son corps, avec ses limitations voire ses handicaps et les désagréments qui peuvent en résulter.

  Capacité à ressentir de la joie sous ses diverses formes (CM) : Joie, Sérénité, Satisfaction, Réussite, Plaisir. La distinction entre ces formes de la joie leurs origines et l’intérêt d’une exploration personnelle de notre manière de nous approprier le monde et ses richesses fera l’objet d’un prochain post.

  Capacité à élargir son cadre de référence, capacité à apprendre, à découvrir, à s’étonner.

  Capacité de se montrer en difficulté sans souffrance. Ce qui bien sûr ne signifie ni vivre sans souffrance, ni montrer un masque de « tout va bien », mais au contraire assumer ses vulnérabilités et accepter d’en faire part, accepter de montrer ses émotions, de les partager, de chercher du réconfort.

  Capacité d’accepter la dimension tragique de l’existence : Inéluctabilité de la vie qui avance naturellement vers la mort, Imprévisibilité de la vie (personne ne sait ce qui l’attend), Inadéquation (l’homme n’a pas accès à l’ensemble des connaissances, il ne peut pas satisfaire l’ensemble de ses désirs ni ceux des personnes qu’il aime, il ne peut pas prévenir la disparition ou la souffrance des êtres qui lui sont le plus cher), Irréversibilité (ce qui est passé est passé, je ne pourrais pas revenir en arrière, rattraper mes erreurs)…

  Position de vie sociale OK, OK et position de vie psychologique OK, OK

  Capacité à échanger des signes de reconnaissance sincères, adaptés et d’en recevoir,

  Capacité à demander / accepter / refuser /  proposer de l’aide. Pour certains demander de l’aide n’est pas possible lorsqu’ils vivent un des éléments scénarique de leur identité. Pour un coach, savoir demander de l’aide est un préalable nécessaire à la prise en charge de clients.

  Capacité à exprimer de la gratitude, de l’amour. Sur ce plan Carlo Moïso rejoint Richard Erskine qui met l’expression de l’amour et de la gratitude parmi les besoins relationnels fondamentaux.